La lecture de Guy Belleflamme

D’emblée, on est saisi par la beauté, la qualité des photos – une centaine de photos de format A5 – que contient l’ouvrage. De quoi permettre à elles seules une exposition de grande qualité. Mais ce qui frappe, ce sont les correspondances – vous savez, celles qui, selon Baudelaire, font que « les parfums, les couleurs et les sons se répondent. » –, correspondances que l’auteur établit ici entre trois formes d’expression : la photo elle-même, le « commentaire » du photographe lui-même et les références littéraires. Parlons donc de ces triptyques ou, plus précisément, des contrepoints imaginés par l’auteur lorsqu’il fait se répondre, entre eux, les différents éclairages proposés. Comme si, « sous différents angles, écrit-il, nous cherchions à préciser cet acte indissociable – « photographier » – de notre vie contemporaine, entre réflexe et rituel… au point d’espérer que cette confrontation inspire au lecteur une réflexion sur sa propre pratique ».


Parlons d’abord de l’anthologie – je devrais plutôt dire chrestomathie – de textes courts d’écrivains choisis pour leur réflexion sur l’art photographique. Il y a d’abord des auteurs qui ont tenté de décortiquer techniquement l’art de la photographie dont, par exemple, Gaëlle Josse (Une femme en contre-jour), Anne-Marie Garat (Chambre noire), Siri Hustvedt (Vivre, penser, regarder), Amaury da Cunha, (Fond de l’œil, Petites histoires de photographies), Marie Desplechin (La Photo), Isabel Allende (Portrait sépia), etc. Mais sont aussi convoqués des écrivains connus qui, eux, parlent plutôt de leur ressenti devant des clichés photographiques : Michel Tournier, Jean-Paul Sartre, Jean-Philippe Toussaint, Daniel Pennac, Roland Barthes, Henri Cartier-Bresson, Émile Zola, Umberto Eco, Patrick Roegiers, Annie Ernaux, Pierre Boulle, Marcel Proust etc. Autant dire que François Tefnin possède une large culture en la matière. Le profane, comme le spécialiste, y trouveront à la fois de quoi alimenter leur imagination et analyser les raisons pour lesquelles ils regardent certaines photographies comme des œuvres d’art à part entière.


Mais il y a aussi les textes de l’auteur lui-même, qu’il propose en regard de chaque photographie. Qu’on ne se laisse pas abuser, François Tefnin ne commente pas les photos qu’il publie, mais distille à chaque fois une réflexion sur « l’acte photographique en lui-même ». Il suffit de parcourir les titres qu’il donne à ses réflexions pour en prendre la mesure : Se saisir d’un langage, Oser le regret, Se révéler, Voir le monde dans un rectangle, Abandonner le contrôle, Voir dans le dos, Faire rimer le net et le flou, Dépasser le passé, Être accro du clic-clac, Parler le photo-langage… On l’aura compris : chassez le psy et il revient au galop. En effet, il s’agit bien ici d’introspection : quelles sont les motivations du photographe, comment choisit-il son sujet, quelles techniques met-il en œuvre ? Nul doute que les amateurs de photos y trouveront leur compte.


Et surtout, il y a les photos, qui frappent d’abord par leur diversité. Aucun thème n’est privilégié : paysages, scènes de vie, gros plans, flous, macrophotographies… Tous les thèmes et toutes les techniques. Mais surtout, derrière l’objectif, il y a un œil qui regarde et il y a une âme qui ressent. Pas de photo possible, croyons-nous en les regardant toutes, sans empathie pour les gens, pour les lieux, pour les êtres et les choses. « Objets inanimés, avez-vous donc une âme / Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? ». Lamartine parlait de Milly, sa terre natale. François Tefnin, quant à lui, élargit notre regard et nous invite à embrasser le monde entier. Les photos qu’il a prises, il les a prises dans son milieu d’origine – Verviers et sa région – et dans toute la Belgique, mais les sujets qu’il a captés et qui l’ont captivé se sont vite diversifiés… Globe-trotter infatigable, il a parcouru la planète entière, non seulement les pays limitrophes – la France et la Corse, l’Italie, les Canaries –, mais encore la Grèce, la Russie, l’Islande, le Vietnam, le Cambodge… C’est donc un véritable tour du monde qu’il nous invite à faire au gré de ses propres découvertes.


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